En mémoire d'un fils

En mémoire d'un fils, Louis Chevrier de Corcelles, Editions Edhisto, 2018, 198 p., 17€

C'était un jeune homme "de bonne famille", d'ancienne noblesse du Bugey, éduqué au Petit Séminaire de Versailles. Littéraire, cultivé, il préparait le concours de l'École des Chartes le 3 août 1914...

Dès le 25, il se porte volontaire au 133ème RI de Belley, rejoint les Vosges le 11 septembre, vit son baptême du feu le 14, entre à Saint-Cyr en janvier 1916. 

Du 11 septembre 1914 au 27 juillet 1916, des lettres régulières donc abondantes ont été adressées à sa famille et scrupuleusement conservées. Le 30 juillet, âgé de 21 ans, Louis de Corcelles meurt héroïquement en menant une opération de repérage, entre Hem et Maurepas, dans la Somme.

Ses "Lettres du front des Vosges et de la Somme », déjà publiées en 1921 par Félix de Corcelles son père, sous le titre "A la mémoire de mon fils", reparaissent, abondamment commentées, contextualisées, annotées grâce au travail très précis de  Philippe van Mastrigt, en un volume clair, sur beau papier glacé, scandé de quelques judicieuses photographies.

Au fil des courriers, se dessine la personnalité du jeune homme, Louis de Corcelles: cet engagé volontaire «plein d'ardeur et d'enthousiasme", ne se départira jamais de ces deux qualités, même lorsque son Commandant, Barberot, ordonnera de "monter" de deuxième en première ligne; jamais la moindre lassitude, leitmotiv des écrits de tranchées , pas plus de plainte voire de critique...un engagement sans failles...Il sera d'ailleurs décoré de la Croix de guerre par le général Joffre en personne. Au cœur des combats, cet intellectuel met à profit les moindres pauses pour lire "le Mercure de France" qu'il se fait envoyer. Il semble rester "dans son monde" en demandant assidûment des nouvelles de ses proches, sans évoquer les figures dont il partage la vie. Cette "distance aristocratique" laisse peu de place à l’empathie, aux conditions de vie, très peu détaillées. En revanche, la précision se fait pointilleuse sur le cadre des opérations : grâce aux abondants toponymes, ses parents peuvent le suivre pas à pas, matière à nous étonner : la qualité de l'écriture aurait-elle découragé "Anastasie" , pourtant rompue aux  impitoyables coupures?... C'est presque "trop beau ", trop "propre », tellement idéalisé qu'il nous est difficile de voir en cette publication autre chose qu'un hommage familial presque hagiographique à ce jeune homme qui, sans la guerre, eût peut-être été poète...

BAJacouty